Regarder de la peinture, ce n’est pas seulement voir une juxtaposition de formes de couleur, c’est déceler une organisation. C’est ça la rencontre magique avec une peinture. Une pure opération mentale. Le plaisir vient de surcroit de percevoir sa propre pensée en activité, de pouvoir ressentir sa pensée.
Face à une peinture non représentative, on est face à un chaos et on veut accéder à un monde de formes dont l’agencement deviendra intelligible. Les formes s’individualisent sous nos yeux, comme se causant les unes avec les autres. Toute signification est superflue. Chaque forme semble rapporter aux formes environnantes. Chaque forme n’est pas le « signe » de quelque chose d’autre qu’elle-même. Chaque forme est déterminée, presque responsable.
Les formes semblent causer par les autres formes et n’ont plus besoin de tenir lieu d’autre chose.
Cette intelligibilité, ces relations de causalité sont imaginaires. Les relations sont créées par la magie du regard porté sur la peinture. Comme dans un monde réel où tout humain cherche des relations, des causalités. Parce que c’est une peinture, les formes sont causées par les formes elles-mêmes.
C’est le monde autonome imaginaire de cette peinture : un monde de formes et de couleur où rien n’est représenté (les formes ne sont pas les tenants lieu d’autres choses qu’elles-mêmes); et où rien n’est signe. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de cercles, carrés, lignes mais la perception de ces formes ne conduit pas à l’identification de signes…