Le Générateur
En 2006, Bernard Bousquet et Anne Dreyfus (chorégraphe et danseuse) ont réhabilité un vieux cinéma de quartier pour y installer Le Générateur : un lieu d’incubation (rapide) et de catalyse (neutre et bienveillante), une invitation à des voyages sans destination fixe, sans objectif prémédité autre que d’agrandir l’univers des possibilités d’existence.
Le Générateur, c’est le chaudron où tout se passe. Là où Bernard Bousquet peut installer son atelier éphémère, découper ses peintures pour les transformer en vêtements B.painted. Mais c’est aussi et surtout un lieu ouvert à des artistes de tout bord.
Le Générateur est un lieu libre où tout peut se faire, se défaire, s’imaginer, se construire. Rien de fixe ou figé. Une façon d’éviter la complétude mortifère d’un repli identitaire. Une façon d’écarter le risque d’une quête nostalgique. Une façon d’expérimenter d’autres modes et stratégies d’existence, une façon de découvrir ou plutôt d’inventer, de fabriquer collectivement notre futur, de trouver notre place sur terre et dans notre temps. Plusieurs artistes, ne cherchant pas à être consensuels ou mainstream, ont trouvé au Générateur un laboratoire, aussi terre d’accueil. C’est ce qu’il fallait.
Depuis 2006, le Générateur est ouvert à toutes les disciplines artistiques sans exclusivité. Opportunisme ou fausse richesse stérile ? Non, plutôt servir une fin qui est que l’art reste un lieu de solidarité entre les hommes, un lieu où l’homme puisse chercher sa place sur terre, chercher et penser sa vérité. Le Générateur agit pour favoriser les rencontres et l’hybridation entre les artistes et cultiver les interstices entre disciplines artistiques.
D’où de manière pragmatique, la place privilégiée pour l’art-performance qui se caractérise par la diversité d’origine des artistes la pratiquant. Curieusement, l’art-performance comme art des formes de vie est effectivement la seule pratique artistique où convergent des danseurs, plasticiens, sculpteurs, poètes, écrivains, acteurs, circaciens, photographes, céramistes… On y constate aussi que la production de biens matériels culturels aussi intéressante soit-elle n’est pas l’objectif final. Mais c’est anecdotique.
Si Bernard Bousquet et Anne Dreyfus ont cofondé le Générateur, ils se sont répartis les rôles. Anne Dreyfus pilote et fait les choix artistiques du Générateur. En ce sens, le Générateur est la création de l’artiste chorégraphe. Le Générateur est devenu la grande oeuvre de Anne Dreyfus.
Simultanément, Bernard Bousquet n’a eu de cesse dès 2006 de photographier sans objectif précis mais de façon intuitive et quasi-obsessionnelle tout ce qui se passe au Générateur. Certainement une façon illusoire de retenir le temps. Et de fait, rien ne montre mieux que ses photos de performances, de danse ou autre, la fuite inexorable du temps et l’insaisissabilité de l’art. Aucune photo ne peut fixer le temps tout comme la précarité de nos existences. L’insaisissabilité d’un art en train de se faire a pour corolaire son intransmissibilité, cause ou conséquence (?), en tout cas en lien fort avec son incompréhensibilité. L’insaisissabilité, l’intransmissibilité… c’est accepté, cultivé mais aussi une question travaillée en permanence au Générateur. Cette question est peut-être la clé, le chiffre de l’art d’aujourd’hui.